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Revue de presse :
Déplacements Pros, le 10 septembre 2025.
David Keller-Posalski
Pour Élise Legris, l’impact social ne doit plus être le parent pauvre de la RSE événementielle. Le label LEAD, créé par Green Événements, dont elle est la COO, mise sur des actions mesurables, une exigence d’insertion auprès des prestataires, la parité au contact du public et un ancrage territorial assumé.
J’aimerais évoquer avec vous le “S” de RSE, peut-être un peu oublié dans l’événementiel…
Élise Legris : C’est un sujet qui me passionne et effectivement, c’est le parent pauvre de la RSE événementielle. Heureusement, c’est de moins en moins le cas et cette question de l’impact social positif est de plus en plus prise en compte.
Nous avons d’ailleurs intégré cette thématique dans notre label LEAD – Label Événement Ambition Durable. Nous avons créé ce label pour répondre aux besoins concrets d’acteurs de l’événementiel qui avaient déjà acquis une certaine maturité sur ces sujets mais souhaitaient obtenir une certification tangible, qui atteste de leurs résultats.
Pouvez-vous détailler ce label LEAD ?
C’est un label qui évalue les résultats effectivement mis en œuvre sur un événement, contrairement à l’ISO 20121 qui est un système de management. La différence est importante : d’un côté vous avez un système théorique, de l’autre des actions concrètes mesurables.
Pourquoi était-ce nécessaire ? Parce qu’en événementiel, on le sait bien, on peut être pourvoyeur de déchets considérables, générateur de nombreux déplacements donc d’une empreinte carbone potentiellement élevée. Ce n’est pas spontanément le secteur dans lequel on s’attend à trouver le plus de RSE. Et pourtant, c’est possible ! D’où notre volonté de créer ce label d’excellence, adossé à SGS, un tiers indépendant leader mondial de la certification.
Le label repose sur trois piliers fondamentaux : l’ambition zéro déchet, l’ambition bas carbone et enfin l’ambition impact social positif.
Revenons donc à ce troisième pilier, moins mis en avant…
Dans le pilier impact social positif, nous avons structuré notre approche autour de quatre volets distincts mais complémentaires : l’insertion professionnelle, le handicap, l’égalité homme-femme, et l’ancrage territorial. Le premier volet, l’insertion, est obligatoire dans notre référentiel – c’est un prérequis non négociable.
L’insertion concerne toutes les personnes éloignées de l’emploi, pour diverses raisons que nous détaillerons. Le handicap vise l’inclusion des personnes en situation de handicap, tant dans l’emploi que dans l’accessibilité des événements. L’égalité homme-femme porte sur la parité dans la représentation de tous les intervenants. Et le territoire concerne la redistribution des richesses locales.
Les trois premiers volets sont assez clairs dans leur intitulé et leur intention. Qu’entendez-vous par “territoire” ?
A ce sujet, prenons l’exemple de l’alimentation : quand on privilégie une alimentation avec des labels bio ou solidaire – par exemple via des AMAP – on génère un impact social positif multiple. D’une part, il y a une redistribution équitable des richesses, d’autre part, on soutient des modes de production respectueux des sols et des personnes qui cultivent. C’est cette approche systémique qui rend le sujet si riche.
Revenons à l’insertion…
Sur l’insertion spécifiquement, notre exigence est claire : nous demandons que 10% minimum des entreprises prestataires relèvent d’organisations spécialisées dans l’insertion. Concrètement, cela signifie travailler avec des ESAT (Établissement et Service d’Accompagnement par le Travail), des entreprises adaptées, ou des associations intermédiaires. Ces structures, qui ont des statuts juridiques particuliers en France, ont toutes pour mission première l’insertion professionnelle des personnes qui en sont éloignées.
Concrètement, qui sont ces personnes éloignées de l’emploi ?
C’est une excellente question car la réalité est beaucoup plus diverse qu’on ne l’imagine. Cela peut concerner des personnes en décrochage scolaire, des personnes sortant de prison, mais aussi quelqu’un qui a fait un burn-out et ne sait plus comment se remettre dans le monde du travail. Cela peut être une personne avec une maladie invisible qui a besoin d’un dispositif particulier d’accompagnement, d’horaires aménagés.
L’État français a établi une grille de critères très bien pensée pour définir l’éloignement de l’emploi. Il y a des critères de niveau 1 et de niveau 2. Quand vous cumulez deux critères de niveau 2, ou que vous avez un seul critère de niveau 1, vous entrez dans le dispositif d’insertion.
Par exemple, le statut de réfugié peut constituer un critère suffisant. Mais si vous êtes au chômage depuis plus de X temps ET que vous êtes parent isolé, ces deux critères « mineurs » combinés vous permettent d’accéder aux dispositifs d’insertion.
Concrètement, nous travaillons avec des structures remarquables. Refugi Food, par exemple, accompagne l’insertion de personnes ayant le statut de réfugié qui souhaitent se lancer dans la cuisine en faisant découvrir les spécialités de leur pays d’origine.
Autre exemple stimulant : Biscornu, créé par le père d’un enfant autiste. Il s’est appuyé sur la méthode FALC (Facile À Lire, Facile À Comprendre) et a développé des outils spécifiques. Ce qui est remarquable, c’est qu’il s’est rendu compte que ces personnes sont extrêmement appliquées dans leur travail. Leurs productions sont d’une qualité exceptionnelle.
Quels types d’emplois sont concernés par ces dispositifs ?
C’est là que c’est passionnant ! Contrairement aux idées reçues, on ne se limite pas aux emplois « cachés » comme les espaces verts, la cuisine en arrière-plan ou la blanchisserie – même si ces secteurs sont effectivement très présents.
Prenons l’exemple d’Inspirience, une agence événementielle qui a développé une branche spécialisée pour être une passerelle d’insertion. Ils emploient directement des personnes qui ont été en burn-out, en éloignement dû à une maladie ou un handicap invisible – rappelons que 80% des handicaps sont invisibles. Ces personnes peuvent parfaitement assurer des missions d’accueil lors de salons ou d’événements.
L’événementiel présente un avantage unique : c’est du « one shot ». Pour des personnes qui veulent tester certains métiers, c’est idéal. Elles ne s’engagent pas dans un CDI immédiatement. On peut créer des binômes entre personnes en insertion et personnes expérimentées, ce qui met tout le monde en confiance et permet une montée en compétences progressive.
Nous avons de magnifiques histoires de personnes embauchées en CDI par l’entreprise cliente suite à leur mission temporaire sur un événement. Des responsables d’agences d’intérim spécialisées font parfois une heure de route pour amener une personne travailler sur un événement et la ramener. Ces histoires humaines peuvent déboucher sur des embauches directes.
Passons au volet « égalité homme-femme ». Comment cela se traduit-il concrètement ?
Dans notre référentiel, nous demandons que tous les acteurs en contact avec le public puissent démontrer une parité dans la représentation. Cela concerne les intervenants sur scène, ce qui peut être extrêmement complexe pour certaines entreprises dans des secteurs très masculinisés.
Cela les oblige à aller chercher cette compensation, à avoir une réflexion approfondie sur le sujet. L’ambition du label est justement de faire évoluer les mentalités et de progresser concrètement sur ce sujet. Ce critère est facultatif car nous savons que c’est parfois très complexe. C’est une manière d’entrer dans l’amélioration continue pour les entreprises qui veulent monter en niveau de médaille dans notre label.
D’autre part, cela concerne tous les professionnels en contact avec le public : hôtes et hôtesses d’accueil – c’est d’ailleurs assez entré dans les mœurs : beaucoup d’entreprises évitent désormais d’imposer les talons aux femmes, par exemple. Les maîtres d’hôtel aussi – les traiteurs ont été parmi les premiers à s’emparer de l’ISO 20121 et ont rapidement mis en place cette représentativité équilibrée.
Pour les entreprises de sécurité, cela devient de plus en plus courant. En revanche, pour les taxis ou le transport, cela peut être plus complexe, mais certaines entreprises y arrivent. L’objectif est de veiller à ce qu’il y ait des hommes et des femmes partout où il y a contact avec le public.
Comment les entreprises parlent-elles sur ces actions inclusives ? N’est-ce pas délicat de communiquer sans tomber dans un message douteux du type « regardez comme nous sommes charitables » ?
C’est une question cruciale. En effet, la communication sur ces sujets demande de la finesse. Les entreprises que nous accompagnons ont trouvé la bonne approche : elles communiquent de manière très factuelle et concrète.
Elles expliquent simplement à quelles organisations elles ont fait appel et pour quelles missions spécifiques. Par exemple : « Pour cet événement, nous avons fait appel à Kignon pour la production de nos collations apéritives » puis elles expliquent brièvement pourquoi elles ont choisi cette entreprise bretonne : l’approche zéro déchet ET l’insertion de personnes handicapées.
Elles peuvent indiquer le pourcentage d’organisations d’insertion parmi leurs fournisseurs, certaines font mieux que les 10% que nous imposons et le valorisent. Mais ce n’est jamais présenté comme de la charité, plutôt comme un choix d’entreprise cohérent avec leurs valeurs, et surtout comme une découverte de prestataires de qualité.
Ce qui est remarquable, c’est que ces entreprises parlent souvent la qualité exceptionnelle des prestations. Elles mettent en avant le professionnalisme, la qualité du service, l’innovation parfois. L’aspect social positif devient alors une valeur ajoutée à une prestation en elle-même déjà excellente.
Existe-t-il des obligations de reporting sur l’impact social des fournisseurs, comme il en existe pour l’empreinte carbone avec le scope 3 ?
Non, et c’est une différence majeure avec l’environnemental : il n’existe aucune obligation équivalente pour l’impact social dans le choix des prestataires événementiels. Les seules obligations existantes concernent l’indice « égalité homme-femme » selon le chiffre d’affaires de l’entreprise, et l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés selon l’effectif – mais cela concerne les salariés directs, pas les prestataires.
C’est pourquoi notre label LEAD prend tout son sens. Il constitue une « belle carotte » pour les entreprises qui souhaitent être reconnues comme engagées. Elles y trouvent plusieurs avantages : la fidélisation des collaborateurs, l’amélioration de leur marque employeur et de leur image de marque.
Il y a aussi un véritable enjeu concurrentiel. Des entreprises comme Expansion se positionnent très en avant sur ces sujets en France. Celles qui s’engagent dans le régénératif aussi. C’est une manière de prendre une longueur d’avance, de se différencier sur leur marché.
Pour les entreprises plus difficiles à convaincre, nous pouvons aussi mettre en avant les avantages fiscaux. Quand on fait appel à certaines structures d’insertion, il existe des dispositifs de défiscalisation. C’est plus complexe à mettre en œuvre – il faut comptabiliser les heures, respecter certaines procédures – mais pour des « réfractaires » qui ne raisonnent qu’en KPIs financiers, cet argument peut faire la différence.
Parlons budget, justement. Si je suis une entreprise qui organise un événement pour 100€ en me moquant totalement de la RSE, combien coûterait le même événement avec la plus vertueuse des démarches ?
C’est une question fascinante mais complexe à trancher ! Il ne faut surtout pas raisonner en court terme, c’est l’erreur classique.
En première année, si vous partez de zéro, cela peut effectivement coûter plus cher. Vous allez peut-être faire appel à un cabinet de conseil pour vous accompagner, vous aurez des frais de formation, de mise en place de nouvelles procédures. MAIS cette méthodologie sera rentabilisée sur 2-3 ans.
J’ai un exemple concret : une entreprise a supprimé la moquette traditionnelle, mis en place du revêtement durable, éliminé certaines notes de frais superflues, et a réalisé 30.000€ d’économies dès la première année ! Donc oui, certaines entreprises réalisent des économies dès la première année. D’autres investissent la première année pour économiser ensuite. L’important est d’avoir une vision sur 2-3 ans minimum.
Le vrai défi n’est pas tant financier que culturel : il faut avoir le courage de changer ses habitudes de production et d’achat. C’est là que réside la vraie difficulté. Quelle est notre politique d’achats responsables ? Quels critères voulons-nous privilégier ?
Prenons l’exemple de Danone à Évian. Ce n’est pas là où vous trouverez le plus facilement des organisations d’insertion – ce n’est pas Paris ! Pourtant, quand ils ont décidé de faire labelliser leurs événements EVE et Octave par la Fondation Danone, la responsable événementielle a décidé d’aller jusqu’au bout de sa démarche. Elle s’est personnellement occupée de l’accompagnement d’une personne en insertion.
Cela lui a coûté du temps, donc de l’argent à court terme. Mais elle m’a dit : « Je suis alignée avec mes valeurs et je suis fière parce que cela a eu un vrai impact. » C’est ça, l’impact social positif : cela peut demander plus de temps, plus d’accompagnement, mais la satisfaction et les résultats sont là.
Bien sûr, il existe aussi du « plug and play ». Si vous voulez des goodies et que vous choisissez un ESAT qui en produit, vous cochez la case facilement. Mais certains vont plus loin dans la démarche d’accompagnement.
D’ailleurs, pour certains produits, les ESAT peuvent être moins chers ou à prix équivalent. Cela demande juste d’aller chercher l’information, de découvrir un secteur qu’on connaît mal et qui ne fait pas beaucoup de communication.
Contrairement au climat dont la « meilleure promotion » sont les records de température et les événements météorologiques extrêmes, l’insertion n’a pas ce levier médiatique. Observez-vous malgré tout une appétence croissante des entreprises ?
Effectivement, le climat bénéficie de cette actualité brûlante – littéralement – qui sensibilise immédiatement. Chaque canicule, chaque record de température rappelle l’urgence climatique.
L’insertion n’a pas cet effet d’actualité, c’est vrai. Mais ce que j’observe, c’est que les entreprises qui franchissent le pas ne font jamais marche arrière. Jamais ! Elles sont même hyper fières de leurs actions et c’est souvent ce qu’elles valorisent le plus dans leur communication.
Elles ont le sentiment d’avoir quelque chose de très concret à partager, des histoires humaines authentiques. Contrairement à une démarche carbone qui peut paraître abstraite, là, elles peuvent nommer les personnes, raconter les parcours, montrer l’impact direct et immédiat.
Ce qui est remarquable, c’est que ces entreprises créent souvent des partenariats durables qui dépassent largement l’événement initial. Elles changent réellement leurs pratiques d’achats.
Prenons l’exemple de Viparis : après avoir fait appel à l’association intermédiaire Réagir pour un événement, ils continuent à travailler avec eux pour la manutention de leurs autres activités. Exposium, après avoir travaillé avec certaines structures, les recontacte régulièrement pour d’autres événements.
Donc oui, même sans le levier médiatique du climat, l’appétence grandit. C’est plus lent, plus souterrain, mais c’est solide. Une fois qu’une entreprise a goûté à l’impact social positif, elle ne peut plus s’en passer. Et elle devient souvent ambassadrice du sujet auprès de ses pairs.
Revue de presse :
Déplacements Pros, le 10 septembre 2025.
David Keller-Posalski
Pour Élise Legris, l’impact social ne doit plus être le parent pauvre de la RSE événementielle. Le label LEAD, créé par Green Événements, dont elle est la COO, mise sur des actions mesurables, une exigence d’insertion auprès des prestataires, la parité au contact du public et un ancrage territorial assumé.
J’aimerais évoquer avec vous le “S” de RSE, peut-être un peu oublié dans l’événementiel…
Élise Legris : C’est un sujet qui me passionne et effectivement, c’est le parent pauvre de la RSE événementielle. Heureusement, c’est de moins en moins le cas et cette question de l’impact social positif est de plus en plus prise en compte.
Nous avons d’ailleurs intégré cette thématique dans notre label LEAD – Label Événement Ambition Durable. Nous avons créé ce label pour répondre aux besoins concrets d’acteurs de l’événementiel qui avaient déjà acquis une certaine maturité sur ces sujets mais souhaitaient obtenir une certification tangible, qui atteste de leurs résultats.
Pouvez-vous détailler ce label LEAD ?
C’est un label qui évalue les résultats effectivement mis en œuvre sur un événement, contrairement à l’ISO 20121 qui est un système de management. La différence est importante : d’un côté vous avez un système théorique, de l’autre des actions concrètes mesurables.
Pourquoi était-ce nécessaire ? Parce qu’en événementiel, on le sait bien, on peut être pourvoyeur de déchets considérables, générateur de nombreux déplacements donc d’une empreinte carbone potentiellement élevée. Ce n’est pas spontanément le secteur dans lequel on s’attend à trouver le plus de RSE. Et pourtant, c’est possible ! D’où notre volonté de créer ce label d’excellence, adossé à SGS, un tiers indépendant leader mondial de la certification.
Le label repose sur trois piliers fondamentaux : l’ambition zéro déchet, l’ambition bas carbone et enfin l’ambition impact social positif.
Revenons donc à ce troisième pilier, moins mis en avant…
Dans le pilier impact social positif, nous avons structuré notre approche autour de quatre volets distincts mais complémentaires : l’insertion professionnelle, le handicap, l’égalité homme-femme, et l’ancrage territorial. Le premier volet, l’insertion, est obligatoire dans notre référentiel – c’est un prérequis non négociable.
L’insertion concerne toutes les personnes éloignées de l’emploi, pour diverses raisons que nous détaillerons. Le handicap vise l’inclusion des personnes en situation de handicap, tant dans l’emploi que dans l’accessibilité des événements. L’égalité homme-femme porte sur la parité dans la représentation de tous les intervenants. Et le territoire concerne la redistribution des richesses locales.
Les trois premiers volets sont assez clairs dans leur intitulé et leur intention. Qu’entendez-vous par “territoire” ?
A ce sujet, prenons l’exemple de l’alimentation : quand on privilégie une alimentation avec des labels bio ou solidaire – par exemple via des AMAP – on génère un impact social positif multiple. D’une part, il y a une redistribution équitable des richesses, d’autre part, on soutient des modes de production respectueux des sols et des personnes qui cultivent. C’est cette approche systémique qui rend le sujet si riche.
Revenons à l’insertion…
Sur l’insertion spécifiquement, notre exigence est claire : nous demandons que 10% minimum des entreprises prestataires relèvent d’organisations spécialisées dans l’insertion. Concrètement, cela signifie travailler avec des ESAT (Établissement et Service d’Accompagnement par le Travail), des entreprises adaptées, ou des associations intermédiaires. Ces structures, qui ont des statuts juridiques particuliers en France, ont toutes pour mission première l’insertion professionnelle des personnes qui en sont éloignées.
Concrètement, qui sont ces personnes éloignées de l’emploi ?
C’est une excellente question car la réalité est beaucoup plus diverse qu’on ne l’imagine. Cela peut concerner des personnes en décrochage scolaire, des personnes sortant de prison, mais aussi quelqu’un qui a fait un burn-out et ne sait plus comment se remettre dans le monde du travail. Cela peut être une personne avec une maladie invisible qui a besoin d’un dispositif particulier d’accompagnement, d’horaires aménagés.
L’État français a établi une grille de critères très bien pensée pour définir l’éloignement de l’emploi. Il y a des critères de niveau 1 et de niveau 2. Quand vous cumulez deux critères de niveau 2, ou que vous avez un seul critère de niveau 1, vous entrez dans le dispositif d’insertion.
Par exemple, le statut de réfugié peut constituer un critère suffisant. Mais si vous êtes au chômage depuis plus de X temps ET que vous êtes parent isolé, ces deux critères « mineurs » combinés vous permettent d’accéder aux dispositifs d’insertion.
Concrètement, nous travaillons avec des structures remarquables. Refugi Food, par exemple, accompagne l’insertion de personnes ayant le statut de réfugié qui souhaitent se lancer dans la cuisine en faisant découvrir les spécialités de leur pays d’origine.
Autre exemple stimulant : Biscornu, créé par le père d’un enfant autiste. Il s’est appuyé sur la méthode FALC (Facile À Lire, Facile À Comprendre) et a développé des outils spécifiques. Ce qui est remarquable, c’est qu’il s’est rendu compte que ces personnes sont extrêmement appliquées dans leur travail. Leurs productions sont d’une qualité exceptionnelle.
Quels types d’emplois sont concernés par ces dispositifs ?
C’est là que c’est passionnant ! Contrairement aux idées reçues, on ne se limite pas aux emplois « cachés » comme les espaces verts, la cuisine en arrière-plan ou la blanchisserie – même si ces secteurs sont effectivement très présents.
Prenons l’exemple d’Inspirience, une agence événementielle qui a développé une branche spécialisée pour être une passerelle d’insertion. Ils emploient directement des personnes qui ont été en burn-out, en éloignement dû à une maladie ou un handicap invisible – rappelons que 80% des handicaps sont invisibles. Ces personnes peuvent parfaitement assurer des missions d’accueil lors de salons ou d’événements.
L’événementiel présente un avantage unique : c’est du « one shot ». Pour des personnes qui veulent tester certains métiers, c’est idéal. Elles ne s’engagent pas dans un CDI immédiatement. On peut créer des binômes entre personnes en insertion et personnes expérimentées, ce qui met tout le monde en confiance et permet une montée en compétences progressive.
Nous avons de magnifiques histoires de personnes embauchées en CDI par l’entreprise cliente suite à leur mission temporaire sur un événement. Des responsables d’agences d’intérim spécialisées font parfois une heure de route pour amener une personne travailler sur un événement et la ramener. Ces histoires humaines peuvent déboucher sur des embauches directes.
Passons au volet « égalité homme-femme ». Comment cela se traduit-il concrètement ?
Dans notre référentiel, nous demandons que tous les acteurs en contact avec le public puissent démontrer une parité dans la représentation. Cela concerne les intervenants sur scène, ce qui peut être extrêmement complexe pour certaines entreprises dans des secteurs très masculinisés.
Cela les oblige à aller chercher cette compensation, à avoir une réflexion approfondie sur le sujet. L’ambition du label est justement de faire évoluer les mentalités et de progresser concrètement sur ce sujet. Ce critère est facultatif car nous savons que c’est parfois très complexe. C’est une manière d’entrer dans l’amélioration continue pour les entreprises qui veulent monter en niveau de médaille dans notre label.
D’autre part, cela concerne tous les professionnels en contact avec le public : hôtes et hôtesses d’accueil – c’est d’ailleurs assez entré dans les mœurs : beaucoup d’entreprises évitent désormais d’imposer les talons aux femmes, par exemple. Les maîtres d’hôtel aussi – les traiteurs ont été parmi les premiers à s’emparer de l’ISO 20121 et ont rapidement mis en place cette représentativité équilibrée.
Pour les entreprises de sécurité, cela devient de plus en plus courant. En revanche, pour les taxis ou le transport, cela peut être plus complexe, mais certaines entreprises y arrivent. L’objectif est de veiller à ce qu’il y ait des hommes et des femmes partout où il y a contact avec le public.
Comment les entreprises parlent-elles sur ces actions inclusives ? N’est-ce pas délicat de communiquer sans tomber dans un message douteux du type « regardez comme nous sommes charitables » ?
C’est une question cruciale. En effet, la communication sur ces sujets demande de la finesse. Les entreprises que nous accompagnons ont trouvé la bonne approche : elles communiquent de manière très factuelle et concrète.
Elles expliquent simplement à quelles organisations elles ont fait appel et pour quelles missions spécifiques. Par exemple : « Pour cet événement, nous avons fait appel à Kignon pour la production de nos collations apéritives » puis elles expliquent brièvement pourquoi elles ont choisi cette entreprise bretonne : l’approche zéro déchet ET l’insertion de personnes handicapées.
Elles peuvent indiquer le pourcentage d’organisations d’insertion parmi leurs fournisseurs, certaines font mieux que les 10% que nous imposons et le valorisent. Mais ce n’est jamais présenté comme de la charité, plutôt comme un choix d’entreprise cohérent avec leurs valeurs, et surtout comme une découverte de prestataires de qualité.
Ce qui est remarquable, c’est que ces entreprises parlent souvent la qualité exceptionnelle des prestations. Elles mettent en avant le professionnalisme, la qualité du service, l’innovation parfois. L’aspect social positif devient alors une valeur ajoutée à une prestation en elle-même déjà excellente.
Existe-t-il des obligations de reporting sur l’impact social des fournisseurs, comme il en existe pour l’empreinte carbone avec le scope 3 ?
Non, et c’est une différence majeure avec l’environnemental : il n’existe aucune obligation équivalente pour l’impact social dans le choix des prestataires événementiels. Les seules obligations existantes concernent l’indice « égalité homme-femme » selon le chiffre d’affaires de l’entreprise, et l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés selon l’effectif – mais cela concerne les salariés directs, pas les prestataires.
C’est pourquoi notre label LEAD prend tout son sens. Il constitue une « belle carotte » pour les entreprises qui souhaitent être reconnues comme engagées. Elles y trouvent plusieurs avantages : la fidélisation des collaborateurs, l’amélioration de leur marque employeur et de leur image de marque.
Il y a aussi un véritable enjeu concurrentiel. Des entreprises comme Expansion se positionnent très en avant sur ces sujets en France. Celles qui s’engagent dans le régénératif aussi. C’est une manière de prendre une longueur d’avance, de se différencier sur leur marché.
Pour les entreprises plus difficiles à convaincre, nous pouvons aussi mettre en avant les avantages fiscaux. Quand on fait appel à certaines structures d’insertion, il existe des dispositifs de défiscalisation. C’est plus complexe à mettre en œuvre – il faut comptabiliser les heures, respecter certaines procédures – mais pour des « réfractaires » qui ne raisonnent qu’en KPIs financiers, cet argument peut faire la différence.
Parlons budget, justement. Si je suis une entreprise qui organise un événement pour 100€ en me moquant totalement de la RSE, combien coûterait le même événement avec la plus vertueuse des démarches ?
C’est une question fascinante mais complexe à trancher ! Il ne faut surtout pas raisonner en court terme, c’est l’erreur classique.
En première année, si vous partez de zéro, cela peut effectivement coûter plus cher. Vous allez peut-être faire appel à un cabinet de conseil pour vous accompagner, vous aurez des frais de formation, de mise en place de nouvelles procédures. MAIS cette méthodologie sera rentabilisée sur 2-3 ans.
J’ai un exemple concret : une entreprise a supprimé la moquette traditionnelle, mis en place du revêtement durable, éliminé certaines notes de frais superflues, et a réalisé 30.000€ d’économies dès la première année ! Donc oui, certaines entreprises réalisent des économies dès la première année. D’autres investissent la première année pour économiser ensuite. L’important est d’avoir une vision sur 2-3 ans minimum.
Le vrai défi n’est pas tant financier que culturel : il faut avoir le courage de changer ses habitudes de production et d’achat. C’est là que réside la vraie difficulté. Quelle est notre politique d’achats responsables ? Quels critères voulons-nous privilégier ?
Prenons l’exemple de Danone à Évian. Ce n’est pas là où vous trouverez le plus facilement des organisations d’insertion – ce n’est pas Paris ! Pourtant, quand ils ont décidé de faire labelliser leurs événements EVE et Octave par la Fondation Danone, la responsable événementielle a décidé d’aller jusqu’au bout de sa démarche. Elle s’est personnellement occupée de l’accompagnement d’une personne en insertion.
Cela lui a coûté du temps, donc de l’argent à court terme. Mais elle m’a dit : « Je suis alignée avec mes valeurs et je suis fière parce que cela a eu un vrai impact. » C’est ça, l’impact social positif : cela peut demander plus de temps, plus d’accompagnement, mais la satisfaction et les résultats sont là.
Bien sûr, il existe aussi du « plug and play ». Si vous voulez des goodies et que vous choisissez un ESAT qui en produit, vous cochez la case facilement. Mais certains vont plus loin dans la démarche d’accompagnement.
D’ailleurs, pour certains produits, les ESAT peuvent être moins chers ou à prix équivalent. Cela demande juste d’aller chercher l’information, de découvrir un secteur qu’on connaît mal et qui ne fait pas beaucoup de communication.
Contrairement au climat dont la « meilleure promotion » sont les records de température et les événements météorologiques extrêmes, l’insertion n’a pas ce levier médiatique. Observez-vous malgré tout une appétence croissante des entreprises ?
Effectivement, le climat bénéficie de cette actualité brûlante – littéralement – qui sensibilise immédiatement. Chaque canicule, chaque record de température rappelle l’urgence climatique.
L’insertion n’a pas cet effet d’actualité, c’est vrai. Mais ce que j’observe, c’est que les entreprises qui franchissent le pas ne font jamais marche arrière. Jamais ! Elles sont même hyper fières de leurs actions et c’est souvent ce qu’elles valorisent le plus dans leur communication.
Elles ont le sentiment d’avoir quelque chose de très concret à partager, des histoires humaines authentiques. Contrairement à une démarche carbone qui peut paraître abstraite, là, elles peuvent nommer les personnes, raconter les parcours, montrer l’impact direct et immédiat.
Ce qui est remarquable, c’est que ces entreprises créent souvent des partenariats durables qui dépassent largement l’événement initial. Elles changent réellement leurs pratiques d’achats.
Prenons l’exemple de Viparis : après avoir fait appel à l’association intermédiaire Réagir pour un événement, ils continuent à travailler avec eux pour la manutention de leurs autres activités. Exposium, après avoir travaillé avec certaines structures, les recontacte régulièrement pour d’autres événements.
Donc oui, même sans le levier médiatique du climat, l’appétence grandit. C’est plus lent, plus souterrain, mais c’est solide. Une fois qu’une entreprise a goûté à l’impact social positif, elle ne peut plus s’en passer. Et elle devient souvent ambassadrice du sujet auprès de ses pairs.
Photo © Romain Flohic